L'assiette de Van Gogh
Petit, on me racontait que cette assiette, dans la famille depuis au moins la IIIème croisade, avait servi à Van Gogh pour préparer ses ocres. En ma présence, on lui vouait une sorte de respect affectueux, bien qu'une fois j'ai vu un de mes oncles y écraser une cigarette. Mais ma grand-mère avait vite fait disparaitre les traces du blasphème. Il y avait aussi le porte-parapluie de Bismarck, le cable de frein de Louison Bobet, et bien d'autres trucs qui, de prime abord banals, s'avéraient prestigieux.
Evidemment, j'ai appris par la suite que ce n'était que des contes que l'on racontait aux enfants pour que, pour autant que j'ai compris, ils aient une vision émerveillée du monde. C'était une bonne idée, et si un jour j'ai des gamins, ils auront droit eux aussi au chausse-pieds de Churchill ou au décapsuleur de Malraux.